L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) a déclaré que « la pollution plastique est le problème le plus répandu affectant l’environnement marin« . La plupart de cette pollution finit dans les océans de plastique.
Les plastiques mettent des siècles à se dégrader et contaminent l’ensemble de la chaîne alimentaire. Chaque année, jusqu’à 13 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans parce qu’elles ne sont pas recyclées. Les estimations actuelles indiquent qu’il y a environ 150 millions de tonnes de plastique qui se trouvent dans l’océan.
En 2018, le programme environnemental de l’ONU a placé la question du plastique dans l’océan parmi les six urgences environnementales les plus préoccupantes.
Des méthodes actives d’élimination du plastique sont nécessaires pour résoudre ce problème. Il est essentiel de pouvoir détecter et suivre les litières de plastique pour mettre en œuvre ces méthodes. Il existe trois approches principales pour les suivre : la modélisation numérique, l’observation in situ et les images satellites d’observation de la terre.
La majeure partie du plastique océanique provient des rivières. En connaissant les principaux points d’origine et en utilisant des données sur les courants océaniques et sur le mélange vertical des couches d’eau, il est possible de modéliser la trajectoire probable des déchets plastiques et les zones où ils vont stagner et se concentrer. Le Copernicus Marine Service fournit des modèles de courants océaniques qui sont utilisés à cette fin.
Figure 1 : Visualisation des modèles numériques de courants marins de Copernicus, extraits de https://myoceanlearn.marine.copernicus.eu/
Des mesures locales sont régulièrement effectuées pour comprendre et quantifier l’importance du problème. Grâce au traitement statistique des données collectées, ces campagnes de mesures permettent de construire et de calibrer les modèles de suivi des déchets plastiques (voir par exemple van Sebille et al.).
Figure 2 : Cartes de distribution du nombre (colonne de gauche) et de la masse (colonne de droite) des microplastiques pour l’un des modèles statistiques étudiés, extraites des travaux de Van Sebille et al.
99% du plastique océanique se trouve au fond des océans, alors que seulement 1% flotte à la surface. La télédétection depuis l’espace souffre donc d’une limitation structurelle qui n’en fera jamais une solution autosuffisante au problème. Cependant, grâce à leur capacité à couvrir de vastes zones inaccessibles, les images satellites constituent une approche innovante qui peut compléter la modélisation et l’observation in-situ. Alors qu’ils sont encore au stade de la recherche et du développement, de nombreux groupes de recherche réalisent des expériences. Ils doivent travailler avec les outils à leur disposition, qui ne sont pas initialement conçus pour cette tâche.
Le programme européen d’observation de la Terre Copernicus offre ici différentes options. La première est le satellite Sentinel 3, dédié à l’observation des océans. Il est cependant conçu pour surveiller les processus océaniques à grande échelle. Sa résolution de 300 mètres n’en fait pas un outil adéquat pour la surveillance des plastiques.
Le satellite Sentinel-2 est une alternative intéressante. Il fournit des images dans la partie visible du spectre avec une résolution de 10 à 20 mètres. Les petits morceaux de plastique ne sont pas perceptibles. Cependant, lorsqu’ils s’agrègent en grands groupes, ils ont plus de chances d’être détectés par les satellites ayant une telle résolution spatiale.
Sentinel-2 a été étudié comme une solution à la surveillance des plastiques dans les océans par de nombreux groupes de recherche (voir les travaux réalisés par un groupe de 25 différentes institutions, ou ces travaux réalisés par un groupe du Plymouth Marine Lab en 2019).
Cependant, il a été initialement conçu pour la surveillance des terres. Bien que son orbite couvre toute la terre, les images ne sont pas collectées sur les grandes étendues océaniques. Les images ne sont disponibles que sur les zones côtières continentales et autour des îles. Il s’agit néanmoins d’une approche très intéressante qui donne des résultats prometteurs dans les zones couvertes.
Figure 3 : Exemple de détection de plastique sur une zone côtière à l’aide d’images Sentinel-2. Extrait des travaux du Plymouth Marine Laboratory.
Les programmes de satellites d’observation de la Terre sont principalement axés sur les terres. La couverture des océans se limite à l’observation de phénomènes globaux, avec une résolution relativement faible (~300m).
Des observations à plus haute résolution sont disponibles sur les zones côtières.
Cependant, la plupart des déchets plastiques sont déposés au fond des océans. Ils ne sont donc pas observables par les satellites. Ceux qui restent à la surface peuvent s’accumuler en amas visibles depuis l’espace.
L’observation depuis l’espace doit être considérée comme une solution complémentaire. Elle peut être utilisée pour détecter les déchets plastiques dans les zones côtières avant qu’ils ne soient déversés.
L’observation de la Terre est donc une source de données utile pour l’analyse des flux et les modèles de suivi des déchets. Elle offre une couverture spatiale large et systématique qui complète idéalement les observations in situ, plus précises mais locales et ponctuelles.
Enfin, il est important de ne pas cesser de réfléchir au rôle de l’observation spatiale dans la lutte contre la pollution des océans. En effet, les satellites évoluent, tout comme les outils d’observation. L’amélioration de la résolution pourrait permettre une observation plus fine des déchets plastiques dans les océans. Passer d’une résolution de 300 m à 20 m avec une couverture globale des océans serait une avancée majeure. Cela permettrait de positionner l’observation spatiale au centre des outils et moyens d’action durable sur les océans.
La mise en place de ce type de mission prend du temps, mais la crise du plastique dans les océans pourrait entraîner l’observation spatiale dans cette voie.
Auteurs : Fabien Castel, Rémi Nassiri