Un rapport de l’UNICEF l’a rappelé cet été, le manque d’eau dans certaines régions du monde a de graves conséquences sur les populations. Ce manque d’accès à l’eau pour les populations est communément désigné par le terme de « stress hydrique ».
Aujourd’hui, plusieurs régions du globe souffrent du stress hydrique. Selon le World Resource Institute, 17 pays ont une probabilité de stress hydrique “extrêmement élevée”. On peut notamment citer l’Inde, le Mexique mais aussi et surtout la majeure partie du Proche et Moyen-Orient.
Cet article vise à mieux appréhender ce problème et ses enjeux. Il montre aussi le rôle que peut jouer le progrès technologique et scientifique pour mieux comprendre les causes et conséquences du stress hydrique dans les régions menacées.
Le manque d’eau pour les populations peut résulter de causes politiques et sociales : gaspillage des ressources disponibles, mauvaise gestion, conflits. Cela entraîne l’impossibilité pour des populations entières d’accéder à l’eau. Mais c’est aussi lié à des problèmes économiques de répartition des ressources et des usages adressés.
Enfin, Le manque d’eau aussi et surtout le résultat de causes physiques; En effet, dans le désert généralement on manque d’eau, quel que soit la politique de gestion mise en place.
Si on se concentre sur ces aspects physiques du problème, le concept de stress hydrique peut être résumé en quelques équations simples et compréhensibles :
Réserves =eaux souterraines + eaux de surface+précipitation
Consommation =usage agricoles + usage industriels + usages domestiques
Stress hydrique=Consommation/Réserves
Le stress hydrique est donc le rapport entre besoin de consommation et réserves en eau. Si le besoin excède la quantité d’eau disponible dans une zone donnée, alors cette zone est en situation de stress hydrique. Le besoin inclut l’ensemble des usages de l’eau : agriculture, industrie et consommation courante des populations. La disponibilité comprend les réserves renouvelables d’eau accessibles : eaux de surfaces (lacs, rivières…), eaux souterraines et précipitations. Plus ce ratio de stress hydrique est élevé, plus la compétition entre les usages est forte. De ce fait, le besoin d’arbitrage éclairé est d’autant plus nécessaire.
La nécessité d’arbitrer entre les différents usages de l’eau demande de disposer d’outils efficaces de surveillance. Observant à la fois de l’état des réserves disponibles et le niveau de consommation. Des indices de stress hydriques sont mis en place dans ce but. On citera ici l’initiative du « World Research Institute », une organisation scientifique à but non lucratif basée à Washington. Les chercheurs du WRI ont mis en place un indice de suivi du stress hydrique et déployé une plateforme en ligne pour diffuser cette information.
L’illustration suivante, extraite de cette plateforme, met en lumière la situation au Proche-Orient. La Région autrefois appelé « croissant fertile », a vu l’émergence de l’agriculture plus de 5000 ans avant notre ère. Elle est aujourd’hui l’une des régions souffrant le plus du stress hydrique sur la planète.
(Figure 1 : Carte de l’indice « Water stress » du WRI en Europe et au Proche-Orient, 2019)
On constate sur cette modélisation que la région apparaît comme étant dans une situation de stress hydrique majeur.
La carte du WRI se base sur différents modèles hydrologiques intégrant des données de suivi in-situ et une modélisation des réserves et des prélèvements en eau. Les nouveaux moyens d’observation de la Terre apportés par l’industrie spatiale constituent des outils extrêmement intéressants pour compléter cette approche.
Ces moyens sont d’abord extrêmement utiles pour mieux quantifier les ressources disponibles. Le suivi à grande échelle des eaux de surface est par exemple adressé par le satellite SWOT, qui sera lancé conjointement par le CNES et la NASA en 2022. Ce programme permettra d’obtenir des séries temporelles conséquentes essentielles pour la gestion courante des ressources. À cela s’ajoute aussi la surveillance des événements extrêmes comme les sécheresses ou les inondations. Le programme Copernicus permet aussi de suivre des variables importantes du cycle de l’eau telles que l’évapotranspiration et l’état du sol. En particuliers, l’humidité dans les quelques centimètres supérieurs du sol peut être mesurée par les capteurs radars du satellite Sentinel-1. C’est une indication importante pour comprendre l’infiltration des précipitations dans le sol et modéliser l’état des ressources souterraines.
Les données spatiales sont aussi un outil formidable pour évaluer les besoins de consommation. Effectivement, les informations de segmentation et d’usage des sols à grandes échelles sont essentiels. Une fois tirées des observations spatiales, elles constituent une base indispensable. Les satellites Sentinel permettent par exemple d’identifier avec précision le type de culture. De ce fait, elle peut améliorer les modèles d’utilisation de l’eau pour des besoins agricoles. Les besoins domestiques peuvent aussi être modélisés à grande échelle en utilisant les informations de suivi de l’urbanisation.
Ces moyens modernes d’observation de notre planète vont permettre la mise en place d’un indicateur de stress hydrique à grande échelle. Il sera moins dépendant de données locales in-situ parfois difficiles à acquérir. L’utilisation de ce type de données devrait aussi permettre d’obtenir un indicateur à haute fréquence de mise à jour. La période de revisite d’une zone géographique donnée des satellites considérés (entre quelques jours et un mois) devrait permettre de mettre en place un indicateur capable de bien mieux capter la dynamique et l’évolution du stress hydrique au cours de temps.
L’intégration de l’observation spatiale comme outil de lutte contre le stress hydrique semble donc porteuse de promesses. Elle permet le suivi des eaux de surface, la modélisation des ressources souterraines et une meilleure compréhension de la consommation. De ce fait, elle a un réel rôle à jouer dans la planification de l’accès à l’eau.
Cet outil a d’ailleurs été utilisé concrètement dès 2004 lors d’une opération au Darfour (Tchad). L’observation spatiale a permis de proposer un plan des possibles eaux souterraines disponibles dans une région accueillant de nombreux camps humanitaires. Ceux-ci ont alors pu profiter de ces informations pour aménager leurs camps et creuser des puits. Ainsi, ils rendent leur accès à l’eau plus facile.
On notera qu’à cette époque cette initiative internationale avait utilisé des données fournies par des satellites japonais (JERS-1), américains (Landsat) et européens (ERS-1 et ERS-2 de l’ESA).
Aujourd’hui, la flotte Sentinel (notamment les outils radar de Sentinel-1) et la masse de données libres et gratuites que les services Copernicus produisent grâce à eux sont privilégiées et devraient permettre de passer ce type d’usage de la recherche vers des service opérationnels.
Auteurs : Fabien Castel, Rémi Nassiri